Jura

Une formidable traversée à pied du Jura de Culoz à Saint-Hippolythe en 16 étapes

Le Jura est un massif montagneux d’altitude modeste, puisque son point culminant est le Crêt de la Neige à 1720m, mais qui court sur environ 350 kilomètres depuis le lac du Bourget jusqu’au Rhin en Suisse, aux portes de Zurich et offre une belle variété de paysages. Il oppose une partie française globalement composée d’une succession de plateaux qui descendent à l’ouest à une partie suisse dont la ligne de crête la plus élevée plonge directement sur le plateau suisse avec un dénivelé assez conséquent (plus de 1000 m). Il est facile de se faire un itinéraire qui nous est propre tant les traversées du Jura (à VTT, à vélo, à ski, à pied) sont nombreuses. La fameuse Grande Traversée du Jura ou le GR5 traversent le massif mais n’empruntent pas le même itinéraire. Parfois, également, on aura envie de faire une incartade dans la Suisse voisine, pour gravir un sommet, simplifier un itinéraire ou aller manger… Les cartes IGN permettent une réelle lisibilité des territoires. Ainsi notre traversée est partie du sud pour aller vers le nord, en 16 étapes, afin d’avoir le soleil dans le dos (rappel des étapes en fin d’article). Le problème majeur de cette traversée restera l’approvisionnement en eau. Nous avions quasiment en permanence 4 bouteilles d’eau car lorsque nous bivouaquions, il fallait en plus de l’eau pour cuisiner et faire un brin de toilette et sur les lignes de crête, il ne fallait pas compter sur des sources ou des ruisseaux quasi-inexistants en ce mois d’août caniculaire et dans les refuges ou autres commerces de la haute crête du Jura, la bouteille d’eau cristalline d’un litre et demi se vendra jusqu’à 5 euros. Mais pour conclure, franchement, cette traversée aura été formidable.

Photo 1 : Les belles et attachantes vaches monbéliardes, Le dernier jour avant d’arriver à Montandon. Prise de vue de Catherine.

Première partie : Le Bugey, de Culoz à Bellegarde sur Valserine en traversant le massif du Grand Colombier. (3 étapes)

Le départ, depuis la gare de Culoz dans l’Ain, annonce la couleur avec la vue directe sur la première ascension du parcours. En effet, on se trouve alors au pied d’un versant de quasi 1000 mètres de hauteur à gravir. Mais si le versant est orienté plein sud, il est en large majorité couvert par les arbres dans ce massif boisé et une source vers 500 mètres d’altitude permet de remplir le premier litre d’eau vidé. Il n’y en aura plus. On sera dès lors récompensé de cette ascension par le panorama extraordinaire depuis le sommet de la pointe du Faufriolet (1180m) qui permet par temps clair d’embrasser tout le massif du Mont Blanc, et les grands lacs des Alpes, particulièrement le lac du Bourget que l’on domine quasi directement, ainsi que le Rhône. Le ton est donné. À partir de là, le cheminement se fait sur la large crête sommitale qui nous conduira d’abord vers le sommet du Grand Colombier, premier haut sommet du Jura à 1534 mètres, à travers forêts et clairières pastorales. Celui-ci est surmonté d’un pylone d’une ligne de haute tension, ce qui est dommage et on préfèrera alors l’antécime, de l’autre côté du col routier, parsemée de prairies d’altitude et surmontée d’une croix. Tout du long, la vue est extraordinaire et l’on est réellement au dessus des plaines urbanisées, au dessus du monde, en cette fin de journée, seuls à part au sommet.

Photo 2: Le Grand Colombier depuis le vallon d’Arvières

Pour conclure cette première journée, il suffira donc de se choisir un endroit pour bivouaquer et le col des charbemènes juste en contre-bas à 1310 mètres et 40 minutes de marche du sommet semble être l’idéal entre une pelouse clôturée et broutée par les vaches montbéliardes et la lisière de la forêt où nous sommes seuls. Nous essuierons pendant la nuit quelques petites averses qui seront bien les seules quasiment du voyage. Quelques rapaces planent dans le ciel et cette traversée du Jura semble parfaitement lancée. Nous avions encore suffisamment d’eau pour cuisiner et boire le matin. La suite lors de la première matinée passe au chalet d’Arvières, qui fait gîte et où nous n’avons pas demandé d’eau, tout près de l’ancienne abbaye. Il n’y aura plus d’eau jusqu’aux Plans d’Hotonne, arrivée de notre deuxième étape. Nous avons pu être approvisionné néanmoins par des locataires d’un chalet privé sur le chemin, qui eux-mêmes avaient amené leur eau puis donc finalement au bar près du stade international de biathlon de la petite station de ski, où nous avons passé un agréable moment avant de remonter de quelques centaines de mètres pour trouver le deuxième lieu de bivouac, tout aussi charmant que le premier avec vue cette fois sur le Grand Colombier au loin. Cette deuxième étape a alterné également passages en forêt et prairies d’altitude avec beaucoup de feuillus avec des altitudes comprises entre 1000 et 1300 mètres d’altitude passant d’une combe à une autre allègrement, par des sentiers mais le plus souvent par des pistes. Ayant vu quelques films dont l’histoire se passe dans le Jura et notamment Poupoupidou et le magnifique et presque inracontable Passe montagne de J.F.Stevenin, et ayant lu il y a fort longtemps des romans de Bernard Clavel, je n’avais du Jura qu’une vision imaginaire peu concrète mais faite de grandes étendues, froides et solitaires. Le massif est très varié du sud vers le nord mais j’avais l’impression que le début de notre itinéraire, bien qu’assez loin géographiquement des contrées décrites dans les livres et les films, plus au nord, nous mettait de plein pied dans cet environnement. Au réveil de la troisième journée, la vue sur la combe pâturée devant nous, la lisière des forêts et au loin vers le sud, en perspective le Grand Colombier sera la dernière à nous permettre de l’observer encore dans son intimité, sans la ligne à haute tension.

Photo 3: Au fond, vers le sud, le Grand Colombier

En fait de là, c’est l’antécime que l’on admire comme sur la plupart des photos touristiques, notamment la première que j’avais vu depuis la grange de Valavier (1240m) où nous sommes passés et avons constaté qu’il est possible d’y dormir. Mais cheminant vers le nord, passant vers le Crêt du Nû (1340m), nous avons compris définitivement à quel point le Jura était un formidable balcon sur les Alpes, car sur ce dernier sommet dont la roche sommitale calcaire émerge à peine sous les arbres, au détour du chemin, un banc est installé qui nous permet tout près de prendre la pause matinale de ce formidable point de vue. Dès lors il ne s’agit plus que poursuivre tranquillement vers le nord, en se gavant de framboises sauvages dans les sous-bois, dans un paysage façonné aussi par l’AOP Comté et autres gourmandises fromagères locales. Les étables sont régulièrement échelonnées sur le parcours et lorsqu’on lit le cahier des charges de l’AOP, avec un hectare de prairie par vache, on construit un paysage équilibré, vivant, entrecoupé de passages canadiens. On arrive finalement au hameau de Catray afin d’entamer la descente finale vers Bellegarde sur Valserine, en passant par Ochiaz. Après deux nuits en bivouac, le confort d’un appartement, avec de l’eau au robinet, nous permet de reprendre des forces pour la deuxième partie du voyage, même sans avoir pu déguster la fameuse tarte à la gomme, spécialité locale mais en ayant renvoyé par la poste les premières cartes IGN du périple.

Photo 4: À la fin du 2ème jour, en remontant vers les Plans d’Hottone. Le vallon et les gentianes.

Deuxième partie : De Bellegarde sur Valserine aux Rousses par les crêtes du Haut-Jura. (4 étapes)

Au fond, c’était peut-être la partie que je désirais en premier visiter car c’est celle sur laquelle on parcourra la crête sur laquelle se trouvent les plus hauts sommets du Jura, à commencer par le Crêt de la Neige (1720m) et le Reculet (1719m sur la carte IGN). Le départ depuis Bellegarde sur Valserine est en bas dans la vallée, à peine 340 mètres d’altitude, et débute par une ascension de plus de 1200 mètres de dénivellation pour aboutir au sommet du Crêt de la Goutte, point culminant du Crêt d’Eau, à 1621m. La partie sud du massif du Jura est davantage composée de crêts plus ou moins parallèles séparées de vallées profondes sur-creusées par les glaciers du quaternaire (voir Le Jura, de la Montagne à l’Homme dirigé par J.Boichard) lCette ascension n’est pas difficile en soi, si ce n’est qu’elle est orientée plein sud, et que quelques passages dans la forêt au dessus du dernier hameau de Métral sont étonnements raides avant l’arrivée à la cabane de Sorgia d’en bas. L’étape se poursuit après le sommet vers le chalet du Sac au dessus de Menthières avant de se terminer au beau chalet de La Poutouille. Là a été aménagé une cuve pour récupérer du toit l’eau de pluie. C’est aussi pour cela que nous y avons fait étape, rencontrant à l’occasion deux éleveurs qui venaient prendre de l’eau pour leurs vaches qu’ils venaient parquer là pour la nuit à cause de l’arrivée du loup dans le secteur, nous ont-ils dit. Probablement, à mon humble avis, nous avons pu observer ce jour-là les deux plus beaux panoramas de notre itinéraire. Celui du Crêt de la Goutte m’a paru le plus complet de par sa position qui permet un 360° sur le Jura et les Alpes et une vue directe sur le grand jet d’eau de Genève et les avions qui atterrissent à l’aéroport juste en dessous. Celui de la Poutouille était exceptionnel avec sa vue directe sur le Mont Blanc, de rose vêtu, au couchant, au delà de la cime des sapins et au dessus des épilobes fuchsias.

Photo 5: Depuis le refuge de la Poutouille, vue sur le Mont Blanc
Photo 6: Au sommet du Crêt de la Goutte… vue vers le sud.
Photo 7: Depuis le Crêt de la Neige, vue sur le Reculet, puis à gauche, le Crêt de la Goutte et encore au fond le Grand Colombier.
Photo 8: À l’approche du col de la Faucille, entre le Montrond et le Petit Montrond (point culminant de la station… Vue sur les Alpes et le Mont Blanc.

L’itinéraire se poursuit sur la ligne de crête le lendemain, passant par les deux plus hauts sommets du massif, le Crêt de la Neige (1720m) et le Reculet (1717m sur la carte IGN). Les deux portent bien leur nom. En effet, le premier est un bout de crête qui se détache à peine des autres affleurements rocheux. D’ailleurs, vu depuis le Reculet, on peut douter de celui qui est réellement le plus haut. Un article de presse régionale récent remettait en cause lalocalisation du point culminant du Jura. Ainsi cette deuxième étape sur les crêtes est constituée de montées et de descentes, ce qui fait que le dénivelé total reste plus important que prévu, et surtout, on ne trouve aucune ressource en eau, à moins de tenter de boire l’eau des goyas, ce qui même avec une pastille me paraît totalement absurde car ces goyas sont imperméabilisés avec du revêtement plastique. On peut donc imaginer, notamment avec le cagnard estival, les millions de microparticules de plastique qui passent dans l’eau. Le Reculet est lui très clairement détaché comme une pointe, au bout d’une vallée suspendue qui forme au bout une forme d’amphithéâtre à la lisière d’un plateau à couches horizontales. Après le Crêt de la neige, il suffisait de redescendre en direction de Lelex dans la vallée et de s’arrêter en chemin à un des deux refuges ou aires de bivouac. Car le refuge de la Loge était archi complet, nous avons choisi le Chalet pointu, super agréable avec un patron adorable qui nous fera découvrir l’attachant album photographique Joue contre Joux du photographe Julien Arbez. Alors si nous nous y sommes ravitaillés en eau, nous nous sommes aussi ravitaillés en Macvin… Le lendemain pour cette 3ème étape sur les crêtes, nous sommes remontés vers le sommet de la station puis pris la direction du col de la Faucille, en passant par le Colomby de Gex (1689m) et le Grand Montrond (1614m). Sur cet immense pâturage, là encore, le balcon sur les Alpes était au rendez-vous, les pentes plutôt douces, au dessus de la profonde vallée de la Valserine pour aboutir au sommet de l’autre station de ski du col de la Faucille, au Petit Mont Rond duquel nous sommes redescendus par un chemin aménagé à travers les pistes de VTT. L’approche de ce dernier sommet s’est faite ressentir avec l’affluence croissante de randonneurs qui y aboutissent grâce au télésiège ouvert l’été. Nous n’avions rien réservé et finalement nous avons trouvé à nous loger au col de la Faucille et nous sommes allés manger à la station au pied des pistes une morbiflette accompagnée d’une bouteille de chardonnay du Jura qui nous aura franchement bien aidé à nous réhydrater. Et comme nous mettrons la nuit à digérer cela nous profiterons également de la fraicheur de celle-ci en ouvrant en grand les fenêtres. C’est ensuite fin prêts que nous débuterons la dernière étape de ce parcours de balcon sur les Alpes, après un petit déjeuner en terrasse, en nous dirigeant vers Les Rousses et en faisant une petite incartade en Suisse pour gravir la Dôle (1677m). De ce beau sommet suisse, nous redescendrons tranquillement vers la petite ville en longeant parfois la départementale, puis la station de biathlon et enfin depuis le hameau transfrontalier de La Cure, l’itinéraire balisé « la voie royale » qui nous ramènera, par une petite route sans circulation bien agréable, sur laquelle veille en permanence la Dôle. Les Rousses seront une étape de repos idéale avec ses commerces, ses hôtels, son lac pour une baignade revigorante et son fort, dans les voûtes duquel vieillissent les meules de Comté et sous les remparts desquels on pourra faire un pique nique royal offert par les amis A., O. et C. de C..

Photo 9: Vue plongeante sur Mijoux depuis le col de la Faucille.
Photo 10: Au fond, la Dôle vue depuis le côté français, juste avant la borne frontière. Nombreuses d’entre elles ont été déplacées en 1819 afin de délimiter précisément la frontière, favorisant ainsi la contrebande. Aussi, de nombreuses petites cabanes de douaniers parsèment l’itinéraire.

Troisième partie: Des Rousses à Pontarlier, à travers forêts et étangs. (4 étapes)

Des Rousses que nous quittons de manière pas si matinale, comme d’habitude, nous entrons directement dans la forêt du Risoux par un réseau de pistes au coeur d’une zone sauvage et isolée entre deux vals. Sur les bords du plateau, nous accédons au bord des falaises, au magnifique point de vue depuis la roche Bernard (1291m) sur les lacs de Bellefontaine et des Mortes. Le contraste est saisissant et nous descendons alors la raide pente attirés comme des aimants par l’eau dans laquelle nous finirons par nous baigner. On s’est d’ailleurs interrogé car il nous a semblé incongru que ce milieu lacustre avec ses nombreuses tourbières fragiles, bien que classé réserve Natura 2000 autorise ce type de loisir. Mais la pause était proprement fantastique et revigorante et il n’y a plus alors qu’à rejoindre Chapelle des Bois à 1091m, étape importante de la Transjurassienne à ski de fond où nous avons miraculeusement pu avoir une chambre à l’auberge Les Clochettes du Risoux. De la chambre chaleureusement bardée de bois, notre vue donnait directement sur l’église au clocher galbé typique de Franche-Comté et les falaises de la Roche Champion du versant boisé qui depuis la Suisse toute proche domine le val et ses prés. On peut imaginer derrière le versant l’immense massif boisé du Risoux dans lequel Neil Villard dans son magnifique et intimiste album Héritage nous fera entrer. La fromagerie biologique au centre du village, à deux pas de l’école communale, place de la fruitière, est un enchantement. Si nous y allons le lendemain avant de repartir, une envie qui me taraude depuis le départ de cette traversée me parait désormais évidente: revenir ici en plein hiver ou à un autre saison, en voiture pour revoir tous les endroits rencontrés, et remplir la malle de la voiture de tout ce qui pourra y entrer… L’étape suivante nous mènera à un des endroits que je voulais aussi absolument visiter depuis le départ, le bourg de Mouthe et sa réputation de commune la plus froide de France par Météo France. L’annonce au journal télévisé du 17 janvier 1985 du record de -41°, non reconnu par Météo France, est resté ancrée dans ma mémoire. Dans le film Poupoupidou déjà évoqué, l’histoire s’y déroule également pendant un hiver enneigé. La commune est remarquable aussi car c’est là que se trouvent les sources du Doubs qui débouchent d’une exsurgence au pied de l’anticlinal et dont les premiers méandres se déploient au coeur d’une tourbière avant d’arriver dans le bourg, tout étiré en longueur. Avant d’arriver à Mouthe, notre itinéraire après avoir traversé l’anticlinal boisé, est retombé dans la combe passant devant le stade des tremplins de saut à ski de la Côte Feuillée de Chaux Neuve, où les héros du combiné nordique des Jeux Olympiques d’Albertville (1992), enfants du pays, Fabrice Guy et Sylvain Guillaume venaient s’illustrer. En quittant le petit camping de Mouthe, tout près de la source du Doubs au pied de la paroi, nous avons débuté une étape clairement marquée par l’ambiance pastorale, alternant forêts et pâturages avec ces nombreuses vaches montbéliardes, et notamment les génisses, qui souvent, bien que craintives, faisaient preuve d’une certaine curiosité attachante à notre égard. Le tintement des clarines attachées à leur cou berçaient la montagne, et ainsi malgré un relief qui s’est sérieusement relevé sur la fin, nous avons pu aboutir la crête sommitale de l’élégant Mont d’Or et observer les parois du versant nord donnant sur la Suisse que nous dominions. J’ai finalement été séduit par cette montagne qui est peut-être une des plus mises en valeur dans le massif de par probablement sa structure générale spectaculaire et aussi peut-être son inclusion dans le domaine skiable de la station de ski de Métabief. Ainsi évidement parfois des préjugés qui font finalement plouf…

Photo 11: Le lac des Mortes (1096m) à droite, dans le département du Doubs et le lac de Bellefontaine à gauche dans celui du Jura. Vue depuis la Roche Bernard (1291m).
Photo 12: Le Mont d’Or et ses 1463m d’altitude.

La longue crête, toute comme au col de la Faucille, se termine par une arrivée de télésiège, au sommet du Morond (1419m) de laquelle descendent de nombreux touristes et vététistes. Nous avons pris une limonade mortuacienne et nous nous sommes tranquillement installés pour profiter de la vue magnifique sur les Alpes d’un côté et le Jura de l’autre (au loin vers le sud la Dôle est encore bien visible) avant d’entamer la descente qui nous a mené au camping des Hôpitaux Neufs. De cette dernière, nous sommes repartis le lendemain matin pour nous rendre à Pontarlier où nous devions faire une dernière halte, autant pour nous reposer que pour visiter certains endroits, comme le fort de Joux au pied duquel nous passerons en fin d’après-midi avant de longer le Doubs jusqu’à la ville. Le départ fut là-aussi peu matinal car nous avons attendu en vain (bon 30 minutes… ) le peintre Denis Bauquier qui animait visiblement un atelier/rencontre dans une salle de la mairie tout près de la belle halle couverte et transformée du centre du village. Des affiches dans la commune en faisaient la publicité et nous avions donc retardé notre départ pour essayer de le rencontrer. Dommage car je me serais bien laisser tenter par ses représentations naïves de la vie rurale des Monts du Jura avec ses grandes fermes traditionnelles, ses forêts sous la neige… Cette dernière étape sera moins montagnarde mais passant au dessus du lac de Saint-Point les bons moments n’en seront pas absents. C’est à Montperreux que nous ferons une agréable halte sous un ancien lavoir près la mairie et que quelques centaines de mètres plus loin, une pancarte chez un particulier invite les randonneurs à se ravitailler en eau, avant de descendre vers Chaon où un café charmant à l’écart des circuits aiguise la tentation alors qu’il nous reste encore du chemin, avant de repartir dans la forêt et de redescendre sur la Cluse sur laquelle est majestueusement établi ce fameux fort de Joux que nous visiterons le lendemain. C’était là aussi un moment particulier car je voulais depuis longtemps le visiter et voir la cellule dans laquelle avait été fait prisonnier et était décédé le héros de l’indépendance haïtienne, le fameux Toussaint Louverture. Passer en fin de journée au pied de ces falaises vertigineuses m’a tout de même impressionné tout comme le puit creusé, de plus de 100 mètres, à l’intérieur du fort. Au delà des moments de repos et des courses de ravitaillement, la pause à Pontarlier aura aussi et autant servi à visiter la ville qui ne manque pas d’attraits à commencer par son très intéressant musée municipal. Si le GR5 ne passe pas vraiment par le coeur de la ville et a tendance à le contourner, manquer sa visite aurait enlever à coup sûr une dimension importante à cette traversée du Jura qui au fond, sans être exhaustive est une visite de ce massif montagneux. Voilà, au delà des autres collections intéressantes, j’ai eu un véritable coup de coeur pour la collection de toiles de peintres jurassien (Robert Fernier, Pierre Bichet, Robert Bouroult), qui ont su si bien représenter la vie et la nature de ces montagnes, notamment sous la neige, du 20ème siècle.

Photo 13: Au musée municipal de Pontarlier; Le tableau Arracheur de gentiane d’André Roz datant de 1929. « D’après modèle vivant, il représente un « gentiannaire » en pied. L’homme arrache les plants de gentiane à l’aide d’une sorte de pioche surnommée « ancre » ou d’une fourche associée au diable. Cette tâche saisonnière de la région demandait une grande force physique. Cette composition est imprimée en grand nombre pour les étiquettes de la marque de La Suze. Elle est utilisée pour un calendrier. Robert Fernier s’intéresse aussi à cette pratique. Il dessine les gentianaires pour l’image « Châteleu vu des Maillots » qui illustre le roman de Romain Roussel, La vallée sans printemps. »(D’après la notice du musée). Cet alcool se fabrique également dans le massif central, les Vosges. Il faut 15kg de racines pour un litre d’alcool.

4ème partie de Pontarlier à Saint-Hippolythe par les gorges du Doubs. (5 étapes)

Par méconnaissance, bien sûr, on s’était dit que si peut-être cette traversée s’arrêtait-là ce ne serait pas un problème. Que nenni! La dernière partie de l’itinéraire sera tout aussi intéressante. Tout d’abord en deux jours, nous arriverons aux environs de Villers le lac. Il s’agit de sortir de Pontarlier et de marcher jusqu’à ce qu’un site nous paraisse favorable. J’avais fait quelques recherches et finalement nous nous arrêterons à la cabane de la Halte des Seignes aux gras qui nous a paru accueillante, là en cette fin d’après-midi où le panorama sur la combe fauchée, et un point d’eau (un robinet extérieur) à 300 mètres au hameau des Seignes. En fait, l’endroit est agréable, peut-être un peu trop près d’un accès voiture ce qui fait que peut-être des gens y viendront juste pour la soirée ou au dernier moment dans la soirée pour passer la nuit. Deux heures auparavant nous étions passés dans un endroit assez étonnant. L’itinéraire après le village des Alliés, et une aire de pique nique avec de l’eau non vérifiée jouait au chat et à la souris avec la frontière, remontant sur l »anticlinal au Cernet de Doubs, le sentier qui reprenait alors une piste récupérait son statut de sentier pour passer au lieu-dit la Côte du Cerf à 1200 mètres d’altitude exactement sur la frontière entre deux bâtiments qui se faisaient face avant de basculer dans la combe fauchée au sud-est en territoire suisse puis de poursuivre vers les Seignes.

Photo 14: La cabane de la Halte des Seignes aux Gras. Ce projet innovant permet aux pratiquants de sports de pleine nature d’avoir un abri et une aire de repos sur le tracé de la Transjurassienne. L’article du journal La Presse du Doubs vous donnera davantage de précisions.

Le lendemain, l’itinéraire passe au plus de la frontière encore, notamment par le village transfrontalier du Gardot, dans lequel le ski club local avait laissé à notre passage la salle hors sac ouverte avec toilette, robinet et même limonade en libre achat. Auparavant nous avions fait un petit écart pour aller admirer la vue sur Derrière le Mont depuis les rebords de la falaise. Finalement la frontière suisse a été longée pendant un long moment passant par le Petit Gardot, puis grimpant sur le Meix Musy, à 1287m point culminant de la station de ski Meix-Musy-Pierre à feu avant de redescendre en direction de Villers-Le-Lac où nous devions trouver un logement. Et puis avant d’entamer la descente du dernier rebord au lieu-dit Sur la Roche, la formidable auberge sur la Roche, une vieille bâtisse, ferme comtoise classée monument historique pour sa façade en tavaillons, assez coquète et à la fois rustique, nous a attiré et après quelques tergiversations nous avons finalement demandé s’il restait une chambre pour deux. Ainsi nous avons pu entrer dans la vieille bâtisse à l’intérieur boisé, avec la cheminée dans la pièce principale, qui donnait ensuite accès à la salle à manger. La patronne entretenait l’ambiance tandis que le groupe de franc-comtoises voisin nous a tenu dans les conversations locales:

-Alors oui je connais un petit peu la Franche-Comté.

-Nous, on est de Bsançon. D’ailleurs, vous savez qu’les chamois arrivent jusque dans la citadelle?

-Ah bon? Je connais surtout le coing de Riozzzz…

-Oh ça va, n’exagérez pas tout d’même.

Voilà, après les pommes de terre et le jambon cuit accompagnés d’un verre de vin blanc, on peut aller se reposer dans la chambre toute en bois tandis que s’annonce l’étape de demain. Ce sera donc dès le lendemain , l’entrée et la descente dans la vallée du Doubs et ses gorges. Après le fameux saut (de 27 m) du Doubs, un autre monde débute. Ce sera surtout une palette infinie de vert que ne renierait pas le peinte Bernard Gantner.

Photo 15: Le Saut du Doubs

Le parcours côté français, rive gauche, car jusqu’à Goumois c’est l’itinéraire que l’on suit, donne voir sur le versant d’en face, le Suisse,, le lit mineur, la forêt, des bâtiments anciens isolés et souvent des endroits où on aurait envie de se baigner même si cela pouvait être dangereux parfois. La rivière a creusé un profond sillon entre deux plateaux et les gorges courent jusqu’à Goumois que nous atteindrons alors en deux jours, en dormant à la cabane des pêcheurs. On pourra pour la dernière soirée traverser la rivière et aller dîner au restaurant, en Suisse avec un verre de vin blanc de Neuchâtel. il ne reste pour le dernier jour et la dernière étape qu’à remonter sur le plateau pour rejoindre Fessevillers puis Tresvillers et Montandon avant de redescendre sur le village de Saint-Hippolythe qui a un réel cachet et se baigner enfin dans le Doubs.

Photo 16: La cabane des pêcheurs. Il n’y a pas de banquette pour dormir mais les panneaux solaires fonctionnent à merveille. Le Doubs est tout près et pour les baignades éventuelles attention aux orties… La cabane est vraiment propre et rangée alors bien sûr il faut respecter le lieu.
Photo 17: Au fond, le barrage du lac de Moron.

On aurait pu mettre des centaines de photos tant la traversée d’un massif montagneux s’avère riche et ce fut le cas du Jura.

Récapitulatif des étapes:

1/ Culoz (250m) – Grand Colombier (1534m) – Col de Charbemènes (1317m)

2/ Col de Charbemènes – Col de Richemond (1060m) – Les Plans d’Hotonnes (1040m) – Croix des Terments (1150m)

3/ Croix des Terments – Crêt du Nû (1351m) – Catray – Bellegarde sur Valserine (350m)

4/ Bellegarde sur Valserine – Crêt de la Goutte (1621m) – Chalet de la Poutouille (1450m)

5/ Chalet de la Poutouille – Le Reculet (1719m) – Crêt de la Neige (1720m) – Chalet pointu (1200m)

6/ Chalet pointu – Colomby de Gex (1688m) – Petit Monrond (1549m) – Col de la Faucille (1323m)

7/ Col de la Faucille – La Dôle, en Suisse (1677m) – Les Rousses (1120m)

8/ Les Rousses – Roche Bernard (1290m) – Lac des Mortes (1096m) – Chapelle des Bois (1090m)

9/ Chapelle des Bois – Chaux Neuve (1025m) – Mouthe (950m)

10/ Mouthe – Les Granges Raguin (1150m) – Le Mont d’Or (1453m) – Le Morond (1419m) – Les Hôpitaux Neufs (970m)

11/ Les Hôpitaux Neufs – Granges de Malbuisson (1020m) – Montperreux (990m) – La Cluse (852m) -Pontarlier (825m)

12/ Pontarlier – Les Alliés (975m) – La Côte du Cerf (1205m) – Les Seignes (1056m)

13/ Les Seignes – Le Gardot (1102m) – Le Meix Musy (1276m) – Auberge Sur la Roche (1150m)

14/ Auberge Sur la Roche – Villers le Lac (757m) – Saut du Doubs (750m) – Abri des pêcheurs (620m)

15/ Abri des pêcheurs – gorges du Doubs – Goumois (494m)

16/ Goumois – Fessevillers (860m) – Thiébouhans-Trevillers (780m) – Montandon (750m) -Saint-Hippolythe (390m)

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