Hautes-PyrénéesLes Pyrénées ailleurs

Franz Schrader et le cirque de Gavarnie au musée Pyrénéen de Lourdes

« Lorsqu’une montagne vous a pris le coeur, c’est une passion véritable; tout en vient et tout y ramène » Franz Schrader, Le massif du Mont Perdu, Annuaire du CAF, 1874

Jusqu’au 3 mai 2026, au Musée Pyrénéen de Lourdes, on pourra retrouver un hommage et une belle exposition des oeuvres de Franz Schrader, le célèbre cartographe des Pyrénées mais aussi peintre qui a su sublimer ces montagnes et notamment le cirque de Gavarnie et le massif du Mont Perdu. Ainsi des cartes dont la fameuse du Mont Perdu et des tableaux comme celui de la cascade du cirque de Gavarnie sont parmi les pièces maitresses de cet évènement. Mais l’exposition, et c’est ce qui en fait aussi l’intérêt, ne s’arrête pas là et présente notamment des carnets de courses, avec des dessins de l’auteur. On trouvera alors parmi ces belles pages une représentation assez fascinante du massif de la Maladetta avec le pic d’Aneto et ses immenses glaciers de l’époque dont le blanc de la représentation parvient tout à fait à donner l’impression d’un blanc immaculé, lumineux peut-être de neige poudreuse, comme il en arrive de moins en moins.

Photo 1 : Le cirque de Gavarnie

« Né en 1844 à Bordeaux, Franz Schrader découvre les Pyrénées à 22 ans et en tombe éperdument amoureux. Ce coup de foudre, vécu aux côtés de son ami Léonce Lourde-Rocheblave, l’emmène dans une aventure de toute une vie: explorer, comprendre, cartographier. En 1873, il invente l’orographe, outil qui révolutionne la représentation du relief. Il est le premier à cartographier l’ensemble de la chaîne franco-espagnole, avec une attention particulère pour le massif de Gavarnie-Mont-Perdu.

Mais Schrader ne se contente pas de mesurer la montagne : il la peint, la dessine, la raconte. Son style pictural mêle rigueur scientifique et sensibilité impressionniste, traduisant les jeux de lumière de la haute altitude dans ses oeuvres d’une grande délicatesse » (La Nouvelle République des Pyrénées, 01/07/2025)

L’exposition permet de voir plusieurs pièces, des carnets de courses, des aquarelles, des huiles sur toile et donc des cartes et chacun pourra trouver ce qui lui convient. Les lieux qui sont l’objet des représentations sont cependant surtout concentrés dans les hautes Pyrénées au sens des parties les plus hautes et donc centrales de la chaîne. Ce qui est intéressant, au delà de la qualité des oeuvres, c’est que finalement Franz Schrader ressemble à l’archétype du pyrénéiste, à la fois scientifique et artiste, et porté par l’amour des Pyrénées. Mais il me semble que sa réflexion et sa sensibilité auront une portée plus générale et toujours d’actualité qui sont bien retranscrites dans son ouvrage, tiré d’une conférence faite au club alpin de Paris le 25/11/1897, À quoi tient la beauté des montagnes? (éditions Isolato) dans lequel toute la fragilité de ce milieu est rappelée… Il fait déjà partie des précurseurs de la défense de l’environnement. En cela, il se fait l’écho de son cousin Élisée Reclus. Il est également à l’origine de la Société des peintres de montagne. L’huile sur toile La cascade du cirque de Gavarnie appartient aux collections du musée et est donc présente dans cette exposition à mon grand plaisir pour être honnête. C’est elle qui m’avait fait revenir en vain l’année dernière pour visiter à nouveau le musée et qui, la première fois, il y a fort longtemps, m’avait fait forte impression. Dans son texte écrit en 1897, il décrit l’esthétique de la haute montagne qui a souvent échappé aux peintres. Et pour confirmer les idées de son cousin Élisée, à la question de où les admirer? Il répondra « La plus belle zone des montagnes est celle où l’on dépasse, tout en étant soi-même dépassé ». L’histoire d’une montagne d’E.Reclus n’est donc pas loin.  » Le cirque de Gavarnie, en France, et le cirque de Cotatuero, en Espagne, l’ont fasciné pendant plus de cinquante ans. Il les a peints régulièrement, restituant à chaque fois ses sensations face aux incessantes variations de lumière. Influencé par Monet, son style évolue au fil des années du post-romantisme à l’impressionnisme. » (panneau de l’exposition). Il affectionne les vues panoramiques ce qui constitue une passerelle vers la cartographie.

Photo : Les Posets depuis le Cotiela, huile sur toile, Collection particulière, Pyrénées, Exposée à la Société des Peintres de Montagnes, 1913, (Photo Catherine)

Dans un article qu’il rédige pour la revue d’Anthropologie en 1893, il pointe de nouveau les menaces que représentent l’industrialisation et la puissance mécanique pour la nature dans son ensemble : « Quand un Stanley propose d’introduire les machines modernes dans la forêt africaine pour l’exploiter ou plus vite, il propose simplement la création de la barbarie à la place de l’ordre naturel ». Pour Numa Broc, il ne semblait pas avoir compris que la géographie de la fin du 19ème siècle subissait une profonde mutation. il pensait la carte pour une fin en soi contrairement à Vidal de la Blache qui cherchait à établir des corrélations.

Photo : La Maladetta depuis le port de Vénasque, Aquarelle sur papier, Vers 1871, Carnet de dessin (Photo Catherine)
Photo : La cascade du cirque de Gavarnie, huile sur toile, fin 19ème siècle, Collection du Musée pyrénéen

ll reste que ses cartes sont belles et d’une précision extraordinaire et que ses peintures en captant les jeux de lumières de la haute montagne nous ramènent avec douceur sur ces altitudes dans ce massif tant aimé. Il sera impossible de prendre une photo acceptable d’une carte. On regrettera simplement qu’au musée (ou ailleurs par exemple à Toulouse), il n’y ait pas eu d’affiche annonçant l’évènement et qu’à la boutique, en ce 27 septembre, aucun ouvrage le concernant ne soit présent.

Il n’y a plus qu’à entreprendre en fin de journée une petite escapade au cirque de Gavarnie …

Photo : En cette fin d’après-midi du 27 septembre

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